Malgré le progrès des connaissances de leurs mécanismes étiopathogéniques et la médicalisation de leur prise en charge, les pathologies démentielles restent très invalidantes sur le plan du maintien de l’autonomie dans les actes de la vie quotidienne et des relations interpersonnelles. Le terme de « démence » reste largement utilisé dans une acception évoquant non seulement la perte des fonctions cognitives et ses conséquences fonctionnelles, mais surtout l’altération de la relation perçue comme étrange et privée de sens. L’altération de la dimension intersubjective de la relation nous semble un déterminant central de ces modifications relationnelles. Elle concerne le sens de soi, la relation interpersonnelle et la difficulté pour les proches à octroyer le statut de personne morale. On tente ici de démontrer que, dans les interactions avec les personnes âgées, et plus particulièrement celles souffrant de pathologie démentielle, la modification de la relation intersubjective se situe principalement au niveau de l’altération de l’« accordage affectif » tel que décrit par Daniel N. Stern dans ses travaux sur le développement précoce et la construction du sens de soi. Ces troubles de l’accordage affectif peuvent être rapprochés des risques de perte du statut de personne morale au sens où le phénoménologue Max Scheler le définit. L’article discute également des perspectives de validation expérimentale de ces hypothèses et de leur conséquence pour la pratique clinique.